Tôt ce matin, j’ai entendu un merle dans le jardin. Son allégresse m’a rendue à moi-même.
Bien avant d’arriver au cœur, la joie nous emplit d’air. Lancées dans la fraîcheur du jour à peine levé, les trilles de l’oiseau dilatent mes poumons, dans une inspiration avide d’embrasser l’entier bonheur de l’instant présent.
Ooooh. Ecoute ! Regarde ! Avec mes enfants, j’ai accueilli, cœur au bord d’éclater, leurs injonctions vibrantes à m’émerveiller et me réjouir avec eux du chatoiement du vivant. J’y ai retrouvé cette exacte capacité à jubiler d’importances minuscules dont j’ai hérité à mon arrivée dans ce monde. Bien que malmenée par le temps, elle palpite obstinément. En trois notes de salutation au soleil levant, le merle l’a fait sauter dans ma poitrine.
Il n’y a rien de plus énigmatique que la joie.
Qui, au nombre de ses mystères, ne se loge pas dans le cœur comme l’on dit, mais – en toute première instance – dans le plexus, qu’elle vient percuter dans ce même mouvement de bonheur indicible avec lequel nous nous jetions enfants contre la poitrine de nos parents, au retour d’une première et toujours trop longue absence loin d’eux.
Plexus. Epicentre, à partir duquel le plus léger contact avec l’extérieur irradie tout le corps. Point d’articulation au monde, qui encapsule un capital de joie propre à tout être vivant. Même si – chez l’humain – le faire fructifier reste encore difficile pour beaucoup trop d’entre nous, considérant les dégâts de nos pulsions destructrices sur notre environnement et l’injustice des circonstances, du contexte et du lieu dans lequel les hasards de la vie nous placent.
Joie de l’écoute d’un chant d’oiseau comme vision d’un petit nuage aux contours charnus et parfaits dans le ciel bleu, la sensation éprouvée dans ces instants d’exultation est une expérience qui nous traverse tous. Chacun sait la transformation intérieure suscitée par la joie, ou du moins reste capable de l’éprouver, au-delà de tout. La prolifération de photos à la gloire des couchers de soleil et autres spectaculaires beautés du monde sur les réseaux sociaux, pourtant peu réputés pour leur propension à la sentimentalité vertueuse, est là pour en attester. Bien plus énigmatique, la voir subsister chez des êtres revenus de souffrances inimaginables ouvre une faille de pensée vertigineuse.
Images de piété moderne, ces clichés nous rappellent l’urgence actuelle à réactiver la joie en nous, ce legs inaliénable que les robots parviendront peut-être à singer ou exprimer, mais jamais à ressentir au cœur d’une chair imprégnée dans la moindre de ses cellules par la mémoire d’une humanité multimillénaire.
Lieu de manifestation physique et du déclenchement épigénétique de ce mystère consistant à savoir une chose qui ne nous a jamais été enseignée, le plexus nous ouvre au mystère de la Joie.
Sans que nous y comprenions en réalité quoi que ce soit. Mais de cette joie-là, le merle a quelque chose d’immense à nous dire.
Ah! Comme je te comprends moi qui ris de bonheur à contempler le vol des oies et à entendre leur cri de ralliement ;o)
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Je le sais 🙂 J’en ai vu maintes fois la preuve dans tes images !!
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Un texte qui met en joie.
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Un vieux sonnet que m’a inspiré ce morceau de Bach ;
La porte d’entrée est fermée à double tour,
Seul dans la maison, l’homme met de la musique
Et s’installe face à ses enceintes acoustiques,
Histoire de jouir de la fin de ses jours.
Ce matin a débuté le compte à rebours,
Le docteur lui a annoncé, catégorique,
Que de nombreuses cellules métastatiques
Proliféraient dans ses poumons et alentours.
Sur la platine « Jésus que ma joie demeure »,
Cette phrase lui est revenue tout à l’heure
En apprenant les résultats des examens.
La beauté des accords de Bach le bouleverse,
Les yeux fermés, des larmes de bonheur il verse,
Il les essuie avec le revers de sa main.
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Ancien, peut-être, mais toujours d’actualité 😉 Cela m’amuse que tu parles de porte, j’ai eu cette image du plexus en écrivant. Musique que tu décris ici « intérieure » ^^
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En fait m’est revenu plein de chose en lisant ton très beau, un des plus aboutit que tu ais écris, en plein dans le plexus, dont ce sonnet et ce tanka ;
Confidence sur l’oreiller
Je dors la fenêtre
ouverte pour écouter
les oiseaux à l’aube,
Voilà, je ne veux pas t’envahir de commentaires, encore une fois c’est un très beau texte, je sais d’ors et déjà que je vais le relire plusieurs fois.
ils ont toujours quelque chose
de beau à me raconter.
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Il est heureux d’avoir tes oreilles pour les recevoir 🙂
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Je me souviens bien de ce sonnet qui m’avait bouleversée. Pas si ancien, à peine plus d’une année.
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Et puis ce morceau du temps où Bertrand Cantat était un chanteur de rock comme un autre.
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Ton plus beau texte !
L’irruption de la joie, comme le bourgeonnement des bois endormis de l’hiver, salutaire, sensation profonde et légère.
Nous sommes vivants.
Les enfants nous sauvent.
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Je l’ai écrit en pensant à toi 🙂
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Incroyable !
Je suis extrêmement touchée.
Alors l’amour résonne dans les mots !
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Mais oui 🙂
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Un moment de grâce, merci Esther.
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Une trille. Une treille. La grappe encore verte de trois petites notes. L’annonciation. Entendre de la gorge de l’oiseau, avant de savoir. Que l’air s’est adouci.
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Et(h)ernel recommencé.
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Tout ça.
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Bonjour Aldor 🙂 J’avoue que je ne comprends pas le sens de ton « tout ça ». Que veux-tu dire par là ?
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…. Bonjour Esther,
Je ne voulais que dire mon accord avec tous les commentaires sur ton article qui est tout simplement très beau.
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Je viens enfin de comprendre ^^. Parfois, des choses finalement très simples m’échappent, et la concision de ta réponse (tout à fait suffisante, bien sûr) faisait que quelque chose n’atteignait pas mon cerveau ! Merci de tes mots, la teneur de tes écrits fait que je te sais être traversé par cette expérience-là 🙂
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Quelle belle allégorie de la Liberté aussi…
« Son allégresse m’a rendue à moi-même », cette phrase est incroyablement belle, vraie et joyeuse. Merci chère dealeuse de joie 🙂
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Merci, chère didascalie 🙂
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À propos de la joie,
L’ange n’est pas un oiseau, mi-homme, mi-dieu, suspendu entre ciel et terre. Une créature mièvre pour rassurer les faibles. Un messager. Un médium. Non. L’ange apparaît dès que les mots se retirent. Et qu’un accord tacite clôt les regards sur un vide clair, sans refus. Une stupeur bienveillante. L’ange est un silence qui s’accomplit alors que personne ne l’attend. Une vague qui remplit tout, effaçant les peurs, les désirs. Une accalmie souveraine remerciée comme un miracle.
Dominique Sampiero, La vie est chaude
© Éditions Bruno Doucey
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Aah, Dominique Sampiero 🙂 Rencontré au travers de ses écrits, il y a déjà longtemps… Je ne m’étonne pas qu’il te « parle ».
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C’est ma fille qui l’a choisi comme poésie à apprendre pour le printemps des poètes. J’approuve !
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Les joies z’eaux sont belles !
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