Claquée, la porte sur la rue et le monde actif. Premier café, avalé dans la solitude bienheureuse d’un silence qui élargit tout ce qu’il recouvre.
J’ai fermé les yeux, une paix de cathédrale règne dans la maison. Avec l’arrivée de l’été, les sons sont devenus secs. Vibrato des insectes, crépitement du plancher, cliquetis de l’horloge. L’air craque.
Heure après heure, le silence s’étend et j’en écoute les gymnopédies. Je parle peu, plus envie. Trop d’interférences parasites, beaucoup de bruit pour rien. Je suis enfin entrée dans cette saison blanche que l’écriture défroisse, pli à pli, dans un chuintement de cadeau précieux.
J’écoute voler les mouches, leur vrombissement doux et épais, sans fioritures ni faux-semblants. La parole disparue, rien ne ment. Personne pour se demander si ce que je dis est vrai ou faux, sincère ou hypocrite. Dans ce silence dont la densité épaissit la moindre nuance, je peux alors entendre une vibration ténue, frôler l’essence d’une vérité qui se déploie à la frontière de la conscience et du toucher.
Soudain, dans ce qui ressemble à un battement de cils intérieur, j’ai tressailli, mon corps s’est contracté d’un seul tenant autour de ce point. J’ai saisi mon ordinateur, je pose mes mains sur le clavier. Vite, ne pas laisser la sensation s’échapper.
Vite, vite, empêcher de laisser filer le désir, qui fait trembler comme la peur.
L’homme moderne redoute le silence car il pressent, confusément, que le silence est une terre de confrontation avec l’essentiel, avec nous-même, avec notre vocation d’homme. Il faut plonger dans le silence comme on s’aventure dans le désert. Il nous faut retrouver le chemin du silence.
Théodore Monod, Terre et ciel
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Tu as toujours le texte qui fait écho, à la note près 🙂 Merci de ces mots et de ta lecture fidèle et attentive, cher Vincent.
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Ma fidélité tiens à ce que tu fais toujours mouche.
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Décrocher la lune
Contre la faucheuse nul ne sera vainqueur,
On ne peut qu’espérer que notre vie s’allonge,
Dans cette réflexion tout être humain se plonge,
Et même aux suicidants mourir fait mal au coeur.
Personne n’est vraiment, de la mort, un moqueur,
J’ai tendance à penser qu’ils sont dans le mensonge,
Ceux qu’on entends dire « Sereinement j’y songe »,
Quand bien même ils ressemblent à des enfants des choeurs.
Cependant s’il est vrai que nul ne s’en balance,
Nous pouvons faire en sorte, en rentrant en silence,
Qu’arrive une lueur au milieu de la nuit.
Parfois même on la voit comme une belle brune
Qui viendrait vers nous nue, la prunelle qui luit
Du désir impérieux de décrocher la lune.
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Ici, tout se tait et tout s’anime,
les sons sont mouvement et vivent en cadence comme des marionnettes captives d’un silence.
Ce silence tu le rends agile, sous ta plume il s’étire et soupire.
Il est promu chef d’un orchestre de bois et de bêtes ailées…
Et puis le désir, la vie qui s’élance et défie la peur.
Je prends plaisir à te lire et à entendre avec toi…
Bien à toi Esther et merci,
ton texte est sublime et sensible.
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Ecouter ensemble ce silence est un plaisir partagé, Corinne. Merci de ta petite musique de nuit, elle a des accents de cristal 🙂
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On sent la fraîcheur, le silence et on perçoit le bourdonnement et la germination. C’est beau comme une parenthèse ;o)
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C’est exactement ça. Une parenthèse, avant le grand saut 🙂
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On ne peut mieux dire que Vincent…
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