Le soleil se couche, nous sommes aux premières loges. D’un geste, tu as enlevé tes lunettes pour les essuyer, et je t’envie le flou dans lequel ce geste te permet de te réfugier.
Je brûle de te demander comment tu vois le monde en cet instant, mais sais que je n’obtiendrai aucune réponse. Tu as remis tes lunettes, et déjà, tu t’es absenté dans la contemplation de l’horizon qui vire au rose shocking.
En silence, je t’oublie moi aussi, et le couchant desserre peu à peu l’étau d’un présent qui me devient chaque année plus difficile à rêver : recouvrant le paysage alentour, les couleurs explosent et appellent à se taire, évacuer toute pensée pour faire place en soi au calme de l’espace. Précieux levers et couchers de soleil, dont chacun peut convoquer la beauté lorsque la laideur du réel nous abîme dans les culs de basse-fosse de l’angoisse.
Alors même que le soleil s’apprête à disparaître, la légère inquiétude que contient ce basculement fait place ce soir à un inhabituel sentiment de stabilité. Étonnée, je réalise que cette chute à venir ne suscite en moi ni tension, ni suspense, mais que je suis suspendue, figée hors temps dans l’ambre du couchant. Apparaître, disparaître, réapparaître, au fond, quelle importance ? Pour l’heure, la liesse de la lumière vespérale m’offre un fragment de réponse à l’éternelle question de ce qui peut bien nous soutenir face à la mort, en me donnant l’occasion inespérée de vivre une expérience de pure intensité, d’autant plus importante lorsque la traversée d’épreuves particulièrement dures nous inflige la perte du mouvement du sentiment, écrasant ou refoulant si profondément en nous la tendresse qu’il nous devient ensuite impossible de la manifester.
Rouge, une plaie suinte, nourrie par l’impression glaçante que ma vie s’est écartée de l’émotion pour se réfugier dans la pensée, en une palpitation froide comme la métaphysique. Mais pour l’heure, la beauté du couchant cautérise, dénoue – un temps – ce nœud gordien qui m’étrangle sans que je puisse même envisager de le trancher : « La privation du sentiment, avec la douleur de ne s’en pouvoir passer ».
***
*Citation de Mme Du Deffand, dans sa correspondance à D’Alembert.
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Merci, Isaac. 🙂
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Un moment d’éternité, à la bascule du soleil rosissant l’horizon, à cette heure où le jour n’est presque plus le jour, et la nuit pas encore la nuit. Et tu te perds en toi, saisie par ce moment.
C’est magnifiquement écrit.
Bonne journée, Esther.
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Merci, j’imagine que tu dois vivre toi aussi ces instants suspendus au travers de la musique 😉 Bonne journée, le soleil s’est levé !
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Effectivement, ces moments de suspension peuvent advenir par la musique. J’aime particulièrement quand en répétition, soudainement, miraculeusement, le son en cours de travail se transforme en musique. Avant, c’était du son, (du bruit organisé), et soudain, la musique est là, et le temps se dilate et se suspend, et on voudrait le saisir.
(P.S., je profite de cet échange pour te signaler, puisqu’il me semble que tu es de la région Hauts de France, que j’aurai le plaisir de présenter une conférence sur le thème « L’espagne à l’opéra, l’opéra en Espagne » à la médiathèque de Lomme le samedi 17 octobre (si l’évolution des conditions sanitaires, le permet, bien sûr.)
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Ah mais je viendrais volontiers t’écouter et te rencontrer ! Comment puis-je être informée de la tenue ou non de l’événement ?
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Je te tiendrai informée de l’évolution de la situation.
De toute manière, j’en parlerai sur mon blog le moment venu.
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Super 👍
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Ce n’est pas de la froideur mais de la mise à bonne distance de l’émotion.
Et ce calme, l’aboutissement d’une spiritualisation.
Savoir relativiser l’existence tout en jouissant d’un coucher de soleil, cela s’appelle la sagesse.
Bientôt le Nirvâna !
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Difficile pour moi de trancher quant à la vraie nature de ce changement, somme toute très récent. Je me sens pour l’instant si étrangère à moi-même dans cet état, mais sans doute me faut-il l’apprivoiser.
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Ce changement que tu évoques éveilles des échos en moi, sans que je sache ce qu’ils veulent dire. Peut-être en parleras-tu davantage dans un prochain article ? Je l’espère.
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En l’espèce, l’algorithme aura – pour une fois ! ^^- fait œuvre utile en faisant réapparaître dans mon fil ici certains de tes textes, comportant des mots-clés semblables à ceux utilisés dans ce dernier billet. J’ai lu hier ton texte sur la typologie de Jung et l’analyse que tu y développes m’a mise en arrêt , et éveillé un sentiment intérieur familier qui est toujours celui qui m’indique que la « clé » de choses importantes pour moi s’y trouve 🙂 J’ai aussitôt repensé à ce que tu avais partagé dans tes textes sur tes difficultés à écrire et la sensation que certaines capacités disparaissaient/ se modifiaient en toi ( c’est du moins ce que j’en ai retenu, il faut que j’aille relire tes textes) ; il y a en effet des échos qui s’éveillent chez moi aussi ! J’écrirai sans aucun doute sur cet « os », que je ronge depuis des mois …
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Je m’assieds et j’attends ! 🙂 J’ai poursuivi hier soir mon exploration de ce que la typologie m’inspire.
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Moi aussi j’attends la suite 😉 Tes récentes inspirations m’ont assez épatée par la manière dont elles « collent » à la meta-lecture que je fais de tes textes.
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La metalecture, une activité d’intuition ! 😉
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Voilà ! 😱
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Bon jour,
Possiblement une variation d’un cap … avant la tempête ? Ou simplement, une vision d’une réalité qui se modifie au rythme d’un changement personnel ? Ou est-ce la conséquence d’une rupture au long cours qui s’amorce vers un autre devenir ? ou est-ce … (etc, etc)
Je ne connaissais pas cette expression : » nœud gordien ».
Max-Louis
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Bonjour Iotop, bonnes questions, que je me pose avec toi ! Ce calme intérieur m’est si étranger qu’il reste aujourd’hui difficile à accepter, un peu comme si j’avais perdu mon mojo. Mais il y a des deuils à faire, toujours. Je dois trouver mon épée pour trancher ce fameux nœud 😉
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C’est très beau , merci de cette traversée entre deux eaux
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Merci de cette image, qui traduit bien mon ressenti. Apprendre à flotter, oui 🙂
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